Accueil > Bestiaire > Rat zombi
Rat zombi
Une curiosité nécromantique.
lundi 1er mai 2006, par
Si certaines créatures peuvent devenir naturellement des zombis, par simple envie de s’accrocher à un semblant de vie, ce n’est pas le cas du rat. Ce mammifère est en effet un des plus raisonnables du monde animal (loin devant l’humain, notamment), et sait d’instinct quand il est temps de laisser tomber et de mourir. Il n’y a donc pas de rats zombis naturels, et pendant longtemps, il n’y a pas eu de rats zombis nécromantiques non plus. Les rares mages assez fous pour tenter le coup s’y cassaient régulièrement les dents. Et puis un jour, on a vu la première zombification de rongeurs réussie. Les résultats sont pour le moins inhabituels dans le petit monde de la nécromancie.
Dites, madame Nak, c’est quoi un zombi ?
A la base, le zombi est un mort qui marche. Rien de moins, et bien souvent, rien de plus. Fruit d’une réanimation sommaire mise au point par les premiers nécromants, il est plus facile à produire que la goule, et surtout beaucoup plus basique. Le plus souvent, il n’est capable d’exécuter que les ordres les plus simples de son maître et n’a bien évidemment aucune capacité d’initiative. Un bête cadavre animé, franchement mort et pas bien vivant.
Vous saurez tout sur les morts-vivants grâce à Tonton Siegmund.
Le fait est que les compétences d’un zombi dépendent en grande partie de l’état de fraîcheur du cadavre utilisé. Plus la mort est récente, plus les capacités mentales sont préservées. Généralement, un nécromant utilisera une majorité de corps décédés depuis plusieurs semaines, pour accomplir les basses œuvres, et quelques cadavres tout juste mis en terre, qui servent de contremaîtres. Ces derniers ont une certaine capacité de raisonnement et parfois des bribes de mémoire. Ils peuvent faire face à un imprévu et guider leurs subordonnés. Ils n’en sont pas moins totalement asujettis à la volonté de leur maître, comme toute créature relevée d’entre les morts par un nécromant.
Pour des raisons de confort olfactif autant que de préservation des performances, le processus classique de zombification prévoit d’embaumer très soigneusement le corps.
On relève également quelques cas très rares d’autozombification. La créature refuse de mourir, et bien qu’elle ait expiré, son esprit continue d’animer son corps. Quand il s’agit d’un animal, la décomposition le rend souvent très agressif, si bien qu’il est souvent nécessaire d’organiser des battues ayant pour but de le détruire par le feu, la méthode la plus efficace [1]. Mais quand il s’agit d’un humain ou assimilé, le problème est plus compliqué : la personne est strictement la même dans la mort que dans la vie. En général, elle se fait embaumer pour garder la forme et continue d’exister comme si elle n’était jamais morte [2]. Les familles ont toujours un peu de mal à vivre avec, mais on finit par s’y faire.
L’étonnant cas du rat zombi
De tous les animaux pris comme sujets d’expérience par les nécromants, les rats sont les plus résistants à la zombification. Non seulement ils ne sont pas sujets à l’autozombification, mais en plus, ils refusent de se relever d’entre les morts, quel que soit le sort de réanimation employé. La seule exception concerne les rats mutants, dont le chaotisme incontrôlable surpasse parfois la résignation devant la mort. Mais le rat, le vrai rat, reste à terre au lieu de se laisser zombifier.
La parade fut trouvée par Paule Shuttdeux, nécromancienne contemporaine d’Ahunfil (le grand-père d’Ilshidur), passionnée par les expériences de réanimation et bien décidée à garder par-delà la mort son rat de compagnie, Goth, auquel elle s’était attachée plus que de raison. La nécro Paule fit de nombreuses expériences tout au long de la vie de son petit compagnon, afin d’être prête pour l’heure de sa mort. A cette occasion, elle se fit connaître de la population, non pas comme nécromancienne, car elle tenait à sa peau, mais comme généreuse donatrice récompensant en pièces d’or la capture de rats vivants. Elle en tua beaucoup, en pulvérisa quelques-uns, en expédia d’autres dans des dimensions peu fréquentables, créa un monstre ou deux à l’occasion, avant de mettre le doigt sur la solution.
Pour zombifier un rat, il faut le persuader qu’il est humain.
Evidemment, la procédure est plus complexe que cette simple phrase ne le laisse entendre. Elle consiste à prendre le contrôle de l’esprit du rat avant qu’il ne rende l’âme, assez profondément pour altérer son Moi et neutraliser l’instinct qui le livre à la mort. C’est là un sort de haute volée, carrément plus pointu que le simple "contrôle mental des rongeurs" inclus dans le cursus classique du mage généraliste. Ce qui signifie que le meilleur nécromant du monde est coincé à ce niveau s’il n’est pas également un très bon mentaliste. Or ces deux spécialités sont rarement pratiquées de concert par un même mage, le mentalisme n’ayant pas de prise sur une immense majorité de morts-vivants. On peut contourner le problème en faisant appel à un copain mentaliste. Encore faut-il en avoir un sous la main, si possible convaincu de l’utilité de pratiquer un contrôle mental approfondi sur un rongeur mourant.
On procède ensuite à la zombification de l’animal. La réanimation a pour effet de libérer le rat de l’emprise mentale exercée sur lui alors qu’il était encore vivant. Le rat zombi sait donc parfaitement ce qu’il est, mais il garde quelques traits humains. Il évite ses congénères, préférant la compagnie des gens [3], et s’il est réanimé suffisamment vite après sa mort, maîtrise des compétences comme l’utilisation d’outils ou même l’écriture. Une fois zombifié, le rat Goth communiquait avec sa maîtresse par l’intermédiaire d’un sac de runes.
Mais la vraie singularité du rat zombi, c’est qu’il est indépendant du nécromant qui l’a réanimé. On suppose que c’est parce que l’identité qui a subi la zombification est le Moi humain de l’animal, qui est annihilé au moment où celui-ci reprend conscience. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que le rat zombi, en plus d’être malin comme un rat et astucieux comme un humain, a sa volonté propre. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’il garde une dent contre le nécromant responsable de son état et prenne la poudre d’escampette à la première occasion. La rumeur veut que des communautés se soient formées dans des coins tranquilles, où les rats mènent une après-vie paisible, loin des chasseurs de morts-vivants [4]. Parallèlement, on a retrouvé dans les égouts de Waldorg un rat zombi échappé de quelque sombre tour, qui s’était reconverti dans l’élevage de tortues mutantes.
Heureusement, en raison des contraintes techniques énoncées plus haut, des rats zombis, il n’y en a pas beaucoup. C’est tant mieux pour tout le monde, à commencer par les rats eux-mêmes.
Nak’hua Thorp,
qui remercie le professeur Chambers, expert mondialement renommé des rats zombis, pour tout ce qu’il a pu écrire à leur sujet.
[1] C’est ainsi qu’il y a quelques décennies, un jeune mage gagna ses premières lettres de noblesse en réduisant en méchoui le Sanglier Zombi du Bois N’talamela.
[2] Chez les elfes noirs, le cas d’un chef de village autozombifié a posé problème : techniquement, il était mort et devait donc être remplacé. Mais lui se sentait assez en forme pour continuer son mandat. L’histoire s’est terminée chaleureusement dans une maxiboule de feu. Au moins, sa mort ne faisait plus de doute.
[3] Le problème qui se pose est que peu de gens apprécient la compagnie d’un rat zombi.
[4] Si le rat était un animal moins raisonnable, ces commmunautés auraient déjà tenté de conquérir le monde. C’est pourquoi les nécromants signent tous un parchemin par lequel ils s’engagent, sous peine de malédiction, à ne pas créer de souris de laboratoire zombie.