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Couronne de Dékhon
La Couronne Maudite de Stupidité
mardi 31 août 2004, par
Cham von Schrapwitz, le mage spécialiste de la digression sans intérêt, vous compte l’histoire de la couronne de Dékhon, et aussi un peu des guerres civiles chez les Nains.
Tour de Blizdand, 9e jour de la 3e décade de Yo’rz, cité de Walrdog.
Et voilà que cela recommence. Les jeunes n’ont plus aucun respect pour les mages. Alors que j’achetais quelques menues broutilles au marché ce matin (des mirabelles, du sang de troll, de la poudre de licorne et de la bière)*, je me suis fait insulter par un godelureau qui m’a coupé la route et bousculé.
Avant de lui faire subir le châtiment qui convenait, j’ai entrepris de lui narrer l’origine de son insulte, qu’il ignorait sans doute...
C’était il y a bien longtemps. Je ne vais pas vous dire que le monde était encore jeune, c’est là un propos de vieil érudit sénile. Non, le monde était facilement adolescent. C’est-à-dire chaotique, boutonneux et plus préoccupé par la fornication que par ses études.
Le grand Empire des Nains sous la Montagne n’échappait pas à ce Chaos généralisé de guerres civiles, d’orgies et de débilités. Les Naiens baffraient et buvaient encore plus qu’à l’accoutumé, de sort que l’adolescence du monde resta dans les chroniques comme "l’âge Nain gras".
Les choses allaient de pire Empire chaque jour, tandis que les Clans se battaient entre eux.
Les prisonniers étaient impitoyablement châtiés par le rasage total de leur barbe. Honte suprême pour un Nain, qui équivaut à peu près à la décapitation empalement chez les Humains, où à boire de la bière chez les Elfes.
Par la suite, les Nains remplacèrent ce supplice par un autre, bien plus cruel : le prisonnier devait embrasser vingt fois de suite le postérieur d’un Elfe sylvain. On disait alors que le « vaincu et 40 fesses ».
Le plus puissant et le plus sage (c’est-à-dire le moins impulsif) des chefs de Clans Nains était nommé Dékhon. Auguste vieillard qui portait non sans panache une belle barbe blanche (mais sans manteau rouge, je vous vois venir), il régnait sur des milliers de guerriers, et se révéla un chef résolument tourné vers l’avenir. Tandis qu’il faisait subir leur châtiment à ses prisonniers, il offrait souvent de les prendre à son service, en déclarant « du passé il faut faire barbe rase ».
(Cette formule a eu par la suite beaucoup de succès, même si, adaptée par les Elfes imberbes, elle a quelque peu évoluée)
Du reste, la barbe était importante pour Dékhon, qui utilisait la sienne comme bannière de ralliement pendant les batailles. Il criait souvent « ralliez-vous à mon panache blanc ».
Dékhon finit par triompher de ses farouches ennemis du Clan Khass-Bhürn un matin de l’an 1 du tout nouveau calendrier des Nains (c’était un matin et il pleuvait, en 1740 EC).
Après 888 ans d’affrontements guère civils, les Nains se retrouvaient enfin unifiés sous la barbe-banière d’un seul chef, chenu et respecté. Comme tous les vainqueurs, ils prit rapidement la grosse tête, et son casque fut bientôt trop petit pour ses ambitions.
Il exigea que les Clans le proclament Roi des Nains, et qu’il soit couronné et sacré en bonnet difforme (mais avec une couronne).
A cette fin, il fit forger la plus belle couronne jamais créée par les orfèvres Nains.
C’est à ce moment que l’affaire tourna mal.
Jaloux de son autorité, une bande de Nains retors et vicieux (enfin encore plus que les autres) alla trouver un vieux mage débarqué de la lande du Nord, et nommé Ghoo Dha. Ce que personne ne savait, c’est qu’il s’agissait d’un imposteur.
Ghoo Dha, faux mage de haute lande, jeta un enchantement désastreux sur la couronne de Dékhon. Avec un Scroll of Curse et un Staff of Stupidity, il l’enchanta pour qu’elle confère la stupidité congénitale et incurable à qui la porterait.
Ce qui devait arriver arriva. La grande cérémonie eut lieu et, dans des débauches de bière encore plus déraisonnables qu’à l’accoutumée, on couronna le Roi Dékhon...
...
La chute de l’Empire des Nains ne tarda pas, avec un Roi taré et des Clans qui se battirent à nouveau entre eux pour savoir qui avait la plus longue (barbe bien sur). Puis vint le temps des hommes, et viendra un jour le temps des cerises.
Cet artefact maudit (la couronne, pas la cerise) fut perdu et passa de main en main. Il semble qu’il engendra des générations de tarés dans chaque race, à mesure que ses porteurs procréaient comme des lapins. Puis elle devint une légende qui devint un mythe (et j’ai déjà entendu cela quelque part).
Aujourd’hui encore, on fait parfois référence au malheureux Dékhon lorsqu’on veut faire remarquer à quelqu’un sa considérable sottise, en lui disant « tu es vraiment le Roi Dékhon ». C’est une comparaison bien peu flatteuse.
Et ce fut d’ailleurs ainsi que le jeune godelureau de ce matin m’insultât. Après l’avoir chapitré sur l’origine de cette expression, je l’ai changé en salamandre.
Aux dernières nouvelles, il se sent bien mieux.
Cham von Schrapwitz, Elementaliste spécialiste des savoirs inutiles.
* incidemment ce sont les ingrédients de la « tarte aux mirabelles à régénération » qui suffit pour nourrir 200 personnes. La poudre de licorne n’est pas indispensable, mais cela neutralise le goût du sang de troll, qui une fois cuit s’apparente fort à celui de l’excrément de blatte géante (ne me demandez pas pourquoi je le sais).