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La dynastie Thorp
Parce qu’il fallait bien qu’on en parle un jour.
mardi 4 avril 2006, par
L’usage du nom de famille, encore peu répandu de nos jours dans la plupart des peuplades elfes (et même totalement inusité dans le clan des elfes de rivière, parce qu’ils sont peu nombreux [1] et qu’ils se connaissent tous), fut introduit relativement tôt chez les elfes noirs. Non pas parce que c’était nécessaire, le clan ne comptant à l’époque que quelques centaines de représentants disséminés à travers la terre de Fangh, mais justement pour se démarquer des Meuldors dont nous sommes issus. L’elfe noir est rebelle. Surtout quand il s’agit de dénoncer les usages mal ficelés. Et voilà comment un peuple trop souvent mésestimé invente une nouvelle façon de nommer.
Pour rappel, la tendance chez les Meuldors veut que chaque individu soit connu sous un ou plusieurs noms glanés au fil de sa vie, dont aucun n’est transmissible. Plus la personne est importante, plus elle a de noms différents, et généralement, ses interlocuteurs n’en connaissent qu’un ou deux. Cette tradition s’est transmise dans certains peuples humains, chez qui elle a perduré plusieurs siècles. Le résultat est fort esthétique, mais il m’est arrivé de lire des manuscrits qui présentaient les gens comme ceci :
"Alamôrn fils d’Alakôn, dit Amstel, dit le Randonneur, descendant d’Ilshidur, Chef Suprême de Moriaquie sous le nom d’Ilestard Ier"
Ce que le dénommé Alamôrn gagne en magnétisme héroïque à être ainsi présenté, il le perd en concision. Au bout de trois protagonistes, on a déjà perdu le fil. Alors imaginez ce que ça donne quand l’ouvrage résume trois âges d’histoire de la terre de Fangh.
Le fait est que contrairement à la majorité de nos cousins, nous autres elfes noirs avons une certaine forme de sens pratique. Si bien que, laissant les elfes sylvains s’enliser dans une stupide guerre contre les nains sous l’influence du fourbissime Tholsadûm, nos ancêtres se dirent que le système de nom de clan utilisé par lesdits nains était plutôt ingénieux. Il ne restait plus qu’à modifier un tout petit peu le principe, pour ne pas être accusés d’avoir bêtement repompé le truc. Au lieu d’un nom porté par tous les membres d’un même clan, nous allions utiliser un nom qui se transmettrait du chef de famille à ses enfants [2].
La décision étant prise, les chefs de village et les matrones [3] rentrèrent annoncer à leurs contemporains qu’il était temps de se choisir des noms à transmettre à leur descendance.
De toute évidence, nous n’étions pas les seuls à trouver que c’était une bonne idée. Les humains portent maintenant à peu près tous des noms de famille, et certains nains en ont aussi, en plus de leur nom de clan.
Sans se concerter au préalable, plusieurs chefs de village choisirent de s’appeler "Thorp", un mot qui signifie "village" en langue drow. Ce qui implique que le nom Thorp ne désigne pas une seule famille à l’origine, mais au moins une demi-douzaine. Au vu du nombre de générations qui nous séparent de cette histoire, on peut considérer que le jeu des alliances a plus ou moins réunifié tout ça [4], mais le nom reste assez répandu dans notre peuple.
Les premiers Thorp avaient la science politique qu’il fallait pour se faire élire chef de village, incluant mensonges, chantage et pots-de-vin, d’où l’idée répandue que les Thorp sont fourbes. De même, un chef de village envoie souvent ses enfants à l’école de magie, d’où la réputation de grands sorciers qui nous colle aux semelles comme un sort d’adhérence mal maîtrisé.
Pour la magie, ce n’est pas faux. La tradition s’est maintenue, si bien qu’il y a toujours un Thorp qui enseigne les arts occultes quelque part. Moi, par exemple.
Quoi, la fourberie ?
Ai-je omis de préciser que le don de malédiction est héréditaire dans la plupart des branches de la famille ?
A une époque où les relations avec nos cousins elfes se sont suffisamment améliorées pour permettre une petite dose de brassage génétique, on entend parfois chuchoter que les Thorp sont les derniers garants de la pureté de la race drow. Autant le dire tout de suite, quand je suis de bonne humeur, ça me fait doucement rigoler [5]. Quand j’étais petite, j’ai bien connu mon arrière-grand-mère Goswimïn, qui me racontait à la veillée plein d’anecdotes prétendument pas de mon âge, et qui m’a légué son fauteuil club échelle 1/2. Alors pour la pureté de la race, on repassera.
Bref, la dynastie Thorp est une famille d’elfes noirs comme les autres, peut-être un peu plus douée pour la magie. Mais c’est ma famille. Et il me reste quelques malédictions en stock.
Nak’hua fille de Jwéholo, dite Nak, dite l’Emmerdeuse, descendante de Nahjamay, maîtresse incontestée de l’Université Donjonnique de Sorcellerie sous le nom de...
Nak’hua Thorp
[1] L’Histoire nous enseigne qu’ils furent des pionniers dans le domaine des plaisirs de la chair, mais on oublie bien souvent de préciser que leur contribution au progrès de l’espèce ne se limite pas à la brouette gondolienne et au fauteuil club échelle 1/2. Ils inventèrent aussi le sort de Contraception Domestique (ou Con-Dom) qui leur permet encore aujourd’hui de maîtriser leur démographie.
[2] Le chef de famille étant, suivant l’usage du coin, soit le père, soit la mère, et parfois même les deux, auquel cas on tire à la courte paille pour savoir qui sera mang... pardon, pérennisé.
[3] Deux systèmes politiques qui cohabitent depuis bien longtemps. La principale différence est que le chef de village est élu (à vie) par ses pairs, tandis que la matrone est désignée par la précédente lorsque celle-ci estime ne plus pouvoir faire face à ses fonctions (généralement, sur son lit de mort). Ça, et le fait que contrairement aux matrones, les chefs de village peuvent être de sexe masculin.
[4] A titre personnel, je considère que tous les Thorp des premiers temps sont mes ancêtres. Sur les derniers siècles, bien entendu, je sais qui est mon aïeul et qui n’est qu’un lointain cousin.
[5] Et quand je suis de mauvaise humeur, les ragoteurs passent la nuit dans l’aquarium des murènes.